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[K-Drama] Queen Mantis : un K-Drama à la française

Diffusé du 5 au 27 septembre 2025 sur SBS, Queen Mantis s’est achevé en beauté avec ses meilleures audiences : 7,9 % dans la région de Séoul et 7,4 % au niveau national, culminant à plus de 10 % selon Nielsen Korea. Le drama a également cartonné en ligne, se maintenant en haut du classement Netflix Corée et atteignant la 6ᵉ place des séries non anglophones les plus vues dans le monde. La rédaction de Kpop in Paris l’a regardé pour se faire un avis : que vaut vraiment ce K-Drama à la française ?

Du polar français au K-Drama : une transposition réussie ?

Jong I-Sin dite « Queen Mantis », célèbre tueuse en série enfermée depuis 25 ans, est contrainte par la police de sortir de son isolement afin d’aider à traquer un copycat qui reproduit ses crimes à l’identique. Elle accepte de collaborer à une seule condition : n’avoir qu’un interlocuteur, Cha Su-Yeol, son fils devenu policier pour racheter les crimes de sa mère. Mais ce dernier refuse tout contact avec elle depuis son arrestation.

Ce synopsis vous dit quelque chose ? C’est peut-être parce que la série est une adaptation coréenne de la fiction française La Mante, diffusée sur TF1 en 2017 avec Carole Bouquet et Fred Testot. La série originale, saluée pour son ambiance sombre et son duo mère-fils glaçant, s’inscrivait déjà dans la lignée des polars français où le réalisme social prime sur l’action.

Queen Mantis reste fidèle au matériau d’origine, mais transpose avec intelligence le récit dans le contexte coréen. Le procédé n’est pas isolé : la Corée du Sud s’est déjà essayée aux adaptations de séries étrangères avec plus ou moins de réussite. On pense par exemple à Criminal Minds (2017), adaptation jugée décevante car trop formatée, ou à The World of the Married (2020), remake du drama britannique Doctor Foster, qui a connu un immense succès. Ici, l’adaptation fonctionne, mais conserve aussi certains travers de la version originale : un rythme parfois lent et contemplatif, plus proche des codes européens que de ceux du K-Drama classique.


Un casting entraîné par une Go Hyun-Jung magistrale

Dans Queen Mantis, Go Hyun-Jung nous livre une interprétation aussi sombre que bouleversante. Elle incarne avec brio un personnage complexe, insaisissable, oscillant entre monstre assoiffé de sang et mère hantée par son passé. Son jeu repose beaucoup sur la subtilité : gestes maîtrisés, rires glaçants, regards lourds de sens, silences chargés. Elle impose une intensité qui capte l’attention dès son apparition à l’écran.

Jang Dong Yoon est moins convaincant en tant qu’officier de police torturé. Les scènes où il doit délivrer le plus d’émotion, comme celle où il avoue à sa femme, Lee Jung-Yeon (Kim Bo-ra), sa crainte d’avoir un enfant et de lui transmettre des gènes de tueur, sont décevantes. Bien qu’il se révèle dans les derniers épisodes, son jeu manque de profondeur et se montre parfois trop rigide, là on on l’a connu bien plus touchant dans Daily Dose of Sunshine ou encore Du sable nous renaîtrons

Cho Seong-Ha (The Murderer, The K2) et Lee El (Goblin, The Call) complètent le casting principal. Cho Seong Ha incarne Choi Jung-Ho, une figure paternelle pour Cha Su-Yeol. C’est lui qui prend l’initiative de faire appel à Jong I-Shin afin d’élucider les meurtres en série. Lee El, de son côté, prête ses traits à Kim Na-Hee, une enquêtrice ambitieuse qui voit la promotion tant attendue lui échapper lorsque Su-Yeol prend la tête de l’équipe. Cette rivalité nourrit une tension palpable au sein de l’équipe. Au fil de la série, le passé douloureux de Kim Na-Hee est progressivement révélé, ajoutant une profondeur bienvenue à son personnage. En huit épisodes seulement, il était difficile de développer davantage l’ensemble du casting, mais malgré cela, les enquêteurs de Queen Mantis parviennent à s’imposer et à susciter l’attachement du spectateur.


⚠️Attention, la section suivante contient du spoil. Arrêtez de lire si vous n’avez pas encore vu la série et que vous souhaitez garder la surprise ! 


Un rebondissement qui questionne la représentation LGBTQ+

Au point culminant de l’enquête, on découvre que le copycat est une femme transgenre, Seo A-ra (Han Dong-Hee), l’amie de Jung-Yeon. Si ce choix narratif reprend fidèlement celui de la version originale, il peut aussi contribuer à une association négative entre identité trans et criminalité. Une représentation qui participe à la stigmatisation des personnes trans, particulièrement forte en Corée du Sud. En ce sens, même si la révélation constitue un véritable rebondissement narratif, on aimerait que les personnages LGBTQ+ soient représentés autrement qu’à travers le rôle du « vilain ».

Point salvateur, la réalisatrice Byun Young-Joo (Black Out, Helpless) est connue pour aborder des sujets sociaux, notamment les droits des femmes qu’elle revendique dans son travail. On peut ainsi lui attribuer une trilogie documentaire (The Murmuring, Milae, My Own Breathing) au sujet des “comfort women”, enlevées et forcées à l’esclavage sexuel par l’armée japonaise pendant la seconde guerre mondiale. Son engagement se reflète dans l’épisode six, où Eddie, personnage interprété par une actrice transgenre, intervient pour expliquer à Su-Yeol les obstacles liés à l’accès à la chirurgie de réassignation sexuelle. Ce passage offre une voix précieuse et nécessaire, même s’il met aussi en lumière le problème de départ : il renforce l’idée erronée que la chirurgie serait un passage obligé pour « compléter » une transition de genre. Outre l’aspect social, cela pose également un problème de logique dans le déroulement de l’enquête.

Une enquête sur fond de drame familial

Si vous aimez les thrillers psychologiques, Queen Mantis saura sans doute vous captiver. L’intrigue est ponctuée de rebondissements : à chaque fois que l’on croit approcher du dénouement, un nouveau pan du passé des personnages vient brouiller les pistes. Comme les enquêteurs, le spectateur se retrouve piégé, incapable d’attraper un suspect qui glisse entre les doigts.

Mais ce n’est pas le rythme effréné qui maintient l’attention. Composée de huit épisodes, un format relativement court pour un drama coréen, la série adopte un tempo lent et contemplatif. La colorimétrie sombre et froide accentue cette atmosphère pesante, presque suffocante propre à Queen Mantis.

Queen Mantis ne laisse pas de marbre, avec des scènes parfois très difficiles à regarder. La série ne craint pas de traiter des thèmes lourds : violences domestiques, culpabilité héréditaire, justice et vengeance. Elle interroge la morale : Queen Mantis est-elle une criminelle impitoyable ou l’instrument d’une justice refusée par la société ?

Toutefois, si le personnage de Jong I-Shin et sa relation avec Su-Yeol portent clairement la série, son rôle dans l’enquête reste discutable. Son aide sur les scènes de crime semble plus relever d’un prétexte scénaristique que d’une réelle utilité. L’intrigue policière n’est qu’un décor : la véritable matière de la série, c’est la confrontation mère-fils.

Alors, on regarde ou on zappe ?

Queen Mantis est une adaptation solide qui mêle l’introspection héritée du polar français, alliée à la mise en scène soignée et immersive des K-Dramas. Go Hyun-Jung livre une performance magistrale qui élève la série, même si elle peine parfois à être soutenue par ses partenaires de jeu. Enfin, si le twist narratif autour de la représentation trans interroge et divise, il a le mérite de rappeler combien la fiction peut façonner des perceptions sociales.

En somme, un thriller psychologique qui, de par le genre, ne plaira pas à tout le monde, mais qui mérite le détour si l’on aime les thrillers bien ficelés ou que l’on s’intéresse aux croisements entre cultures télévisuelles.

Article par Alix

KIP

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