Yerin Baek est l’une de ces artistes qu’on reconnaît dès les premières notes. Sa voix douce, toujours juste, s’est imposée au fil des années dans le R&B coréen. Avant de briller en solo, elle a aussi marqué les esprits en tant que chanteuse du groupe The Volunteers, où elle explorait un rock plus brut et sans filtres.
Naviguant entre douceur soul et éclats plus bruts, Yerin s’est construite une place unique, notamment à travers des featurings comme sur les titres “Gae Na Ri” (개나리) de Samuel Seo, “Being” de Tabber ou encore “Nerdy Love” de pH-1.
Après une longue pause ponctuée de défis personnels et professionnels, elle était revenue plus tôt cette année avec I MET PEEJAY, un double single produit avec le beatmaker Peejay. Un projet intime et soigné, qui annonçait déjà un retour en force.
Aujourd’hui, elle revient avec Flash and Core, son troisième album studio entièrement coproduit avec Peejay et écrit par ses soins. Et autant dire que ça valait l’attente. Entre ballades envoûtantes, vibes R&B très chill et touches funk inattendues, Yerin nous plonge dans son univers musical d’une douceur envoûtante et de rythmes entrainants.

Une tracklist diversifiée, pleine de nuances
Flash and Core ne se contente pas de juxtaposer des morceaux, la tracklist suit une véritable progression, presque comme un journal intime musical. En quinze titres, Yerin tisse un fil conducteur à travers différentes humeurs, textures sonores et formes d’introspection.
Voici un zoom sur quelques titres marquants de cet album :
Dès les premières secondes, “Dust on Your Mind” nous fait basculer dans un monde suspendu. Le morceau est d’abord lent, éthéré, construit sur la lourdeur d’un esprit désorganisé. Mais là où on attendrait un morceau planant du début à la fin, elle casse ce rythme attendu : un drop électronique inattendu vient briser le calme, comme un réveil interne. Le temps s’arrête pendant deux secondes, puis elle revient à la “réalité” avec une voix plus légère et audible. Ce schéma revient une deuxième fois, comme une boucle qui dérange volontairement l’harmonie. La chanson, presque mystique, nous donne l’impression d’ouvrir une porte sur son espace intérieur et un esprit enfin libéré de ce qui la parasitait jusqu’à maintenant.
Ce type de morceau rappelle son goût pour l’intimité, déjà présente sur son album Tellusboutyourself (2020).
Des titres comme “Save Me”, “Take Pills” ou “You Broke My Heart But…” s’inscrivent dans un R&B mid-tempo à la fois chaleureux et introspectif, empreint de soul, porté par une voix mise en avant. On reconnaît la touche de Peejay dans les productions avec des basses rondes, des grooves subtils et des textures analogiques.
“Take Pills” aborde frontalement un thème rare dans la pop coréenne qui est la santé mentale et la médication. La musique, douce et morcelée, accompagne une voix hachée, presque essoufflée, comme un monologue intérieur. La chanson agit comme un hymne libérateur, presque décomplexé, avec une production à la fois douce et fragmentée.
Le MV renforce cette idée de libération. Il se déroule en huis clos, dans les couloirs d’un hôpital, symbolisant à la fois l’enfermement et le cheminement intérieur. Lorsque la voix douce et envoûtante de Yerin s’élève, presque aérienne, une lumière blanche apparaît sur les murs, comme pour guider le spectateur vers cette délivrance tant émotionnelle que spirituelle.
“Karma Calls” reprend cette structure étrange, répétitive, presque hypnotique. La basse en fond donne le tempo, lent mais entêtant. Le morceau est structuré comme une boucle mentale, une pensée qui tourne en rond. On est loin de la ballade classique : ce sont des morceaux presque “cinématographiques”, très modernes, qui montrent la volonté de Yerin de repousser ses propres limites.
“MIRROR” est sans doute le plus accrocheur de l’album. Funky, groovy, rythmé sans être bruyant, c’est le genre de morceau qu’on met en boucle seul chez soi ou dans son casque tout en se laissant emporter. Les basses sont agréables, la rythmique est dansante mais le tout reste bien équilibré. Pas de démonstration, juste un groove maîtrisé et une invitation à apprécier le morceau “just feel the music it’s funk”.
Le titre a également eu le droit à un MV, dont Yerin a elle-même assuré la direction artistique. On y retrouve son goût pour l’esthétique sobre, rêveuse et teintée de symbolisme. Il y a des moments avec des éléments visuels comme chorégraphiques, où le miroir, les reflets, le jeu de lumière participent à créer un sentiment d’introspection ou de rupture entre ce que l’on perçoit de soi et ce que l’on ressent. On la voit ainsi que le célèbre Kwon Haehyo connu pour ses rôles introspectifs et émotionnellement nuancés au cinéma, se laisser porter par la musique. Le clip traduit avec justesse le sens des paroles, qui invitent à se détacher de son image pour retrouver son essence véritable. La musique devient alors le vrai reflet, celui du cœur plutôt que du miroir.
Des collaborations qui ont du sens
Tandis que de plus en plus d’artistes multiplient les collaborations pour diversifier leur palette sonore et toucher un public plus large, Yerin Baek fait le pari inverse. Son nouvel album se distingue par une approche volontairement épurée avec seulement deux collaborations sur quinze morceaux. Ce choix n’est pas anodin, il traduit sa volonté de préserver une cohérence artistique et de mettre en avant son identité musicale propre, tout en s’autorisant quelques dialogues sonores subtils avec d’autres univers.
Le premier featuring, Qim Isle sur “No Man’s Land”, apporte une profondeur vocale et émotionnelle qui enrichit le morceau sans en détourner l’équilibre. Sa voix grave contraste avec la douceur et la clarté de celle de Yerin, créant un dialogue où les deux timbres se répondent. Le titre s’imprègne d’une atmosphère à la fois poétique et minimaliste. Qim Isle réapparaît d’ailleurs discrètement sur “Television Star,” en choeurs en arrière-plan, signe d’une collaboration fluide et naturelle, intégrée à la texture sonore de l’album plutôt qu’imposée.
Le second featuring, Rejjie Snow sur “Your Yerin”, est l’une des plus belles surprises du projet. Le rappeur irlandais, connu pour son flow nonchalant et son univers jazzy-hip-hop, apporte une ouverture internationale au disque. Sa présence donne au morceau une teinte hybride qui casse la douceur ambiante pour y insuffler une nouvelle énergie. Sans lui, la chanson aurait pu sonner trop délicate ; avec lui, elle devient équilibrée, audacieuse et cosmopolite.
Dans son ensemble, Flash and Core est un album à la fois doux et réconfortant, parfait pour accompagner les moments calmes de l’automne. Il s’écoute aussi bien dans un casque lors d’un trajet en bus, que sur une enceinte chez soi, ou même sur CD pour celles et ceux qui le commanderont. Que l’on cherche simplement du réconfort ou une exploration plus attentive de l’univers musical de Yerin Baek, cet album se révèle captivant à chaque écoute.
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Article par Angèle